Paris, 8 octobre 2025 – Dans un climat politique français déjà électrique, marqué par la démission surprise du Premier ministre Sébastien Lecornu et une énième motion de censure avortée, Marine Le Pen, présidente du groupe Rassemblement national (RN) à l’Assemblée nationale, a franchi un cap décisif. Lors d’une conférence de presse tenue à Cournon-d’Auvergne, dans le Puy-de-Dôme, la dirigeante d’extrême droite a annoncé une stratégie offensive sans précédent : censurer tous les gouvernements qui se présenteront devant les députés, jusqu’à obtenir la dissolution de l’Assemblée. « Je censure tout. Là, maintenant, stop. La plaisanterie a assez duré », a-t-elle lancé, avec une fermeté soulignant l’impatience d’un camp qui se positionne en fossoyeur du pouvoir macronien.
Cette déclaration intervient au cœur d’une crise institutionnelle qui paralyse la France depuis des mois. Après la chute successive de plusieurs Premiers ministres – dont Michel Barnier et François Bayrou –, la nomination de Sébastien Lecornu n’aura tenu que quelques semaines, minée par des négociations bloquées sur la réforme des retraites et un budget contesté. Lecornu lui-même, interrogé sur France 2, avait évoqué une possible nomination d’un successeur « dans les 48 heures ». Mais pour Marine Le Pen, ces manœuvres relèvent d’une « plaisanterie » indigne. « Trop, c’est trop : le pouvoir contourne les institutions, méprise la Ve République et prend les Français pour des idiots », a-t-elle martelé. « On fait courir les Français derrière des ba-balles, tout ça pour gagner du temps. Il est temps de siffler la fin de la récréation. »
La leader du RN ne cache pas ses ambitions : cette vague de censures vise explicitement à précipiter une dissolution de l’Assemblée nationale, convoquée par Emmanuel Macron pour des élections législatives anticipées. « Je pense que la grandeur, l’honneur voire la morale justifieraient qu’Emmanuel Macron réfléchisse très sérieusement à la dissolution ou même à sa démission », a ajouté Marine Le Pen, transformant son déplacement en Auvergne en un véritable lancement de campagne. Pour le RN, fort de 143 députés, cette tactique s’apparente à un forcing parlementaire, susceptible de faire basculer l’équilibre des forces au Palais Bourbon, où les motions de censure requièrent une majorité absolue.
Pourtant, cette posture musclée n’est pas exempte de contradictions, comme le soulignent ses détracteurs à gauche. La France insoumise (LFI), à l’origine d’une motion de destitution contre le président de la République rejetée ce même 8 octobre, accuse le RN d’hypocrisie. Le groupe RN s’est en effet abstenu lors du vote sur cette motion, contribuant à son échec – seul le camp de la gauche a voté en faveur. « Marine Le Pen ‘censure tout’ sauf Macron, le premier responsable de tout ce merdier », ironise un cadre insoumis sur les réseaux sociaux, qualifiant le RN d’« arnaque opportuniste ». Un autre commentateur de gauche pointe du doigt cette « manipulation flagrante » : « D’un côté, elle sauve Macron de la destitution ; de l’autre, elle dit qu’elle va censurer tous les gouvernements à venir. J’ai du mal à la comprendre. »
Du côté de la macronie, l’annonce de Marine Le Pen est perçue comme une menace existentielle, mais aussi comme une aubaine pour rallier les centristes et la droite modérée autour d’un front anti-RN. François Bayrou, figure du MoDem et ancien Premier ministre, avait déjà exprimé des réserves sur la peine prononcée contre Marine Le Pen dans l’affaire des assistants parlementaires européens – une condamnation pour détournement de fonds publics qui l’empêche de se présenter à la présidentielle de 2027. « Troublé » par cette décision judiciaire, Bayrou incarne les tensions internes au gouvernement, où certains prônent des concessions pour éviter l’asphyxie.
Jordan Bardella, président du RN et probable dauphin de Marine Le Pen, soutient pleinement cette ligne dure. Lors d’une intervention récente, il a évoqué une « situation politique loufoque et indigne », appelant à une « censure de n’importe lequel de ces gouvernements fantoches ». À l’Assemblée, le groupe RN prépare déjà le terrain : une motion de censure pourrait être déposée dès la nomination d’un nouveau chef du gouvernement, transformant chaque séance en champ de mines.
Cette escalade intervient dans un contexte plus large de défiance envers les institutions. Les Français, épuisés par une instabilité chronique – trois Premiers ministres en autant de mois –, expriment leur ras-le-bol dans les sondages. Pour Marine Le Pen, c’est l’occasion de cristalliser ce mécontentement, en se posant en seule force capable de « restaurer l’honneur » de la République. Mais ses contradicteurs y voient une stratégie purement électoraliste, visant à capitaliser sur le chaos sans assumer une réelle responsabilité gouvernementale.
Reste à savoir si cette offensive portera ses fruits. Avec une Assemblée fragmentée, où gauche et extrême droite totalisent une majorité relative, le blocage pourrait s’éterniser, forçant Macron à un recours à l’article 49.3 ou, in fine, à la dissolution. En attendant, la France retient son souffle : la « censure tout » de Marine Le Pen pourrait bien marquer le début de la fin pour l’actuelle majorité.
Rédaction Blue Radio (France) / Service Politique