Paris, 4 octobre 2025 — Un nouvel espace culturel centré sur les mondes africains et leurs diasporas inaugurait ses portes ce week-end dans le 10ᵉ arrondissement de la capitale : la Maison des Mondes Africains, abrégée MansA. Promesse d’un lieu hybride mêlant galerie, forum et incubateur, MansA ambitionne d’offrir un point de rencontre artistique, intellectuel et social sur les thématiques africaines, dans un contexte français où les questions identitaires, culturelles et postcoloniales restent vives.
Un projet « entre héritage et renouveau »
Annoncée dès 2021 lors du Sommet Afrique-France comme un projet structurant de la politique culturelle française, MansA a longtemps fait l’objet de débats quant à son implantation, à son financement et à sa légitimité symbolique.
La structure, soutenue par les ministères de la Culture et des Affaires étrangères, a bénéficié d’un budget de 9 millions d’euros pour sa première phase d’aménagement. Elle s’installe provisoirement dans un ancien atelier de confection de 800 mètres carrés rue Jacques-Louvel-Tessier, dans le 10ᵉ.
Liz Gomis, directrice de l’institution, rappelle que MansA se veut autonome, plurielle, non partisane : « Nous désignons une maison, pas un musée du passé. Nous voulons être un creuset pour les imaginaires africains actuels, connectés à leurs diasporas. »
L’inauguration est marquée par l’exposition « Noires », construite par la jeune artiste Roxane Mbanga (29 ans), autour des notions d’identité, de mémoire et d’émancipation. Une douzaine d’œuvres — peintures, installations, pièces sonores — dialoguent avec le lieu, sa lumière et son histoire.
Un lieu, plusieurs ambitions
Dialogue entre cultures
MansA entend rompre avec les modèles de musées « exotiques » en imposant un regard contemporanéiste : l’Afrique est envisagée comme un espace vivant, pluriel, en mutations. Ainsi, l’institution prévoit d’organiser, outre les expositions, des conférences, débats, projections, ateliers, résidences artistiques et programmes éducatifs.
Cette dimension de plateforme de dialogue sera aussi centrale : MansA veut accueillir des penseurs, journalistes, artistes issus du continent africain, mais aussi de la diaspora. « Nous voulons que la parole y circule, que les publics s’approprient le lieu », insiste Liz Gomis.
Incubation & synergies
Au-delà de l’artistique, la Maison vise à agir comme accompagnatrice de porteurs de projets culturels et entrepreneuriaux, notamment pour les jeunes issus des diasporas. Des dispositifs de mentorat, des bourses et des résidences sont prévus pour favoriser l’émergence de nouvelles formes culturelles ou économiques.
Enfin, MansA ouvrira des passerelles avec des institutions (musées, universités, médias) tant en France qu’en Afrique, afin de favoriser les échanges, les coproductions et les circuits de diffusion.
Défis et critiques : légitimité, symboles et tension publique
Le projet MansA n’a pas été épargné par les polémiques : certains élus, notamment à droite ou à l’extrême droite, ont dénoncé une « structure identitaire » capable de creuser des divisions. D’autres préoccupations concernent le financement pérenne, la gouvernance du lieu et le risque de voir l’institution se replier sur des logiques communautaires.
Mais certains intellectuels saluent l’initiative. Le philosophe Achille Mbembe (dont le rapport préconisant une « maison des mondes africains » a souvent été cité) rappelle que « la culture ne peut être un consolateur, mais un lieu de confrontation, de tension, de création ». La Ministre de la Culture, lors de l’ouverture, a souligné la dimension diplomatique : « MansA témoigne du lien renouvelé entre la France et l’Afrique, dans la culture comme dans l’avenir. »
Un rendez-vous majeur de la scène culturelle parisienne
L’ouverture de MansA s’inscrit dans un moment culturel français déjà très dense : le Festival d’automne bat son plein à Paris, le Festival Lumière approche à Lyon, et d’autres grandes expositions ouvrent partout en France. Dans ce paysage, MansA se positionne comme un nouvel acteur à dimension internationale, particulièrement attentif aux voix africaines et diasporiques.
Si son ancrage local semblera déterminant pour sa viabilité, son rayonnement pourrait dépasser les frontières de Paris, en faisant une institution relais entre l’Afrique, ses diasporas et la métropole culturelle française.
Sur les prochaines semaines, le défi sera de voir comment MansA mobilisera ses publics, traduir[a] son ambition en projets concrets et répondra aux tensions symboliques et politiques qui l’entourent.
Rédaction Blue Radio (France) / Service Culture