Le débat fait rage à Paris, dans les couloirs de l’Europe et jusqu’à Moscou : la France est-elle prête à franchir un palier actif dans sa posture vis-à-vis de la Russie ? La question, longtemps latente, est aujourd’hui posée avec une acuité renouvelée, à l’heure des incursions de drones, des cyberattaques et des provocations tactiques répétées.

Une charge verbale assumée

Le 8 octobre 2025, Valérie Hayer, députée européenne (Renew Europe), a publié sur son compte X une formule qui a provoqué un léger tremblement dans le débat public : « Nous devons assumer la confrontation avec la Russie. Nous devons monter d’un cran dans notre réponse ». Cette prise de parole est claire, volontairement provocatrice, mais pas forcément synonyme d’un saut définitif vers l’affrontement militaire.

Quelques heures plus tard, la cheffe de l’exécutif français a repris le concept de « confrontation permanente » dans ses termes — sans en faire une déclaration de guerre — en justifiant qu’elle considère désormais Moscou, outre le phénomène terroriste, comme « la plus grande menace structurelle pour les Européens ». Si la France ne cible pas encore ses sols, ses propos marquent une redéfinition du périmètre de ses réactions.

À ses détracteurs, qui accusent cet activisme verbal de pousser à l’escalade inutile, Hayer rétorque que la paix, « ce n’est pas l’absence de guerre, c’est la capacité à être dissuasif ». Pour elle, Poutine ne comprend que la fermeté.

Entre dissuasion, cyber-riposte et pression diplomatique

Si la confrontation au sens militaire n’est pas formellement envisagée, des actes sont déjà engagés dans une logique de riposte asymétrique.

Cyberattaques : la France lève le voile

En avril 2025, la France a officiellement attribué plusieurs cyberattaques au GRU, la direction du renseignement militaire russe, pour la première fois. Le ministre des Affaires étrangères, Jean-Noël Barrot, a accusé Moscou d’avoir ciblé une dizaine d’entités françaises depuis 2021 — dont notamment des infrastructures critiques et des outils liés au secteur de la défense.

C’est une rupture dans la doctrine, jusque-là prudente, d’attribution silencieuse des attaques. Cette affirmation publique est en soi un pas vers la confrontation numérique ouverte.

Le dossier « shadow fleet »

Plus récemment, la saisie d’un tanker lié au réseau des flottes russes clandestines (le « shadow fleet »), intercepté au large de Saint-Nazaire, est perçue comme un acte de guerre économique et maritime. Le président Macron a défendu cette opération comme nécessaire pour étouffer les financements du conflit ukrainien — Moscou l’a condamnée comme un acte de piraterie.

Drones, frontières, provocations aériennes

Les incursions de drones russes dans l’espace aérien européen se multiplient. La France n’a pas encore été directement ciblée, mais Emmanuel Macron a averti qu’il envisageait un renforcement des défenses aériennes. Face à ce que plusieurs médias appellent un changement de nature du conflit, certains États membres envisagent la distribution de chasseurs-intercepteurs ou l’assouplissement des règles d’engagement pour réagir plus rapidement.

Les résistances et les craintes dans l’entourage

Tout n’est pas clairsemé de consensus. Plusieurs voix s’élèvent pour limiter l’escalade.

Certains diplomates de carrière redoutent que le franchissement d’un seuil de confrontation active ne conduise la France dans un engrenage incontrôlable. Selon eux, la France n’a ni l’intention ni les capacités logistiques pour un affrontement direct.

Au sein même de la classe politique, des députés centristes rappellent que l’UE et l’OTAN doivent rester les cadres prioritaires de réponse collective — et non l’initiative unilatérale.

Enfin, Moscou ne reste pas muet. Le Kremlin a vertement réagi aux discours jugés « belliqueux » de Macron, qualifiant certains propos d’« outranciers » et dénonçant un discours qui « attise les conflits plutôt qu’il ne favorise la paix ».

Vladimir Poutine lui-même a menacé l’Europe d’une réponse « significative » si les pays poursuivent leur soutien militaire à l’Ukraine. Dans ce contexte, la France marche sur un fil.

Où se situe la France aujourd’hui ?

La posture française oscille entre dissuasion affirmée et riposte mesurée, sans pour autant passer au stade du choc frontal.

  • Elle continue à miser sur la coopération européenne et atlantique, insistant pour que toute initiative s’inscrive dans un cadre commun.
  • Elle privilégie les réponses hybrides (cyber, économique, maritime) plutôt que l’intervention militaire directe.
  • Elle pousse à plus de solidarité européenne dans la défense, notamment pour épauler les pays limitrophes exposés à la pression russe.

Mais avec des mots comme « confrontation assumée » et « confrontation permanente », le débat est lancé. Et s’il y a bien une dimension que la France cherche à affirmer, c’est celle du courage stratégique.

Rédaction Blue Radio (France) / Service Politique